Activer les défenses naturelles du pommier : une alternatives aux pesticides freinée par la chaleur
Publié par Bao-Huynh Nguyen, le 24 novembre 2025 17
La pomme se hisse sur le podium des fruits les plus consommés au monde. En France elle représente un secteur majeur avec près de 1,8 million de tonnes produites en 2020. Mais derrière ce succès se cache un défi de taille : le pommier est l’une des cultures les plus gourmandes en pesticides, en raison de ses nombreux bioagresseurs (insectes, champignons ou encore bactéries).
Réduire l’usage des pesticides est un enjeu crucial pour la santé du producteur, du consommateur et de l’environnement. Cela nécessite de développer des solutions alternatives à la fois efficaces et adaptées aux pratiques agricoles. Parmi les pistes explorées, une approche prometteuse consiste à stimuler l’immunité naturelle des plantes.
Un « vaccin » pour les plantes
Comme les humains et leur système immunitaire, les plantes possèdent un ensemble de défenses pour se protéger des agressions extérieures. C’est le cas du pommier qui déploie une panoplie d’armes : des protéines capables d’attaquer directement les bioagresseurs et des petites molécules, appelées métabolites spécialisés, qui renforcent les barrières physiques ou agissent comme des antibiotiques naturels. Ces mécanismes sont orchestrés par des messagers chimiques qui déclenchent l’ensemble du système de protection. Bref, le pommier n’est pas sans défense !
Mais au verger, l’arbre réagit parfois trop tard. Comment s’assurer que l’immunité soit mobilisée à temps ? Aujourd’hui, des recherches explorent comment activer cette immunité avec des produits appelés stimulateurs de défenses des plantes (SDP). Contrairement aux pesticides, qui agissent directement sur les maladies et les insectes, ces molécules réveillent le système immunitaire de la plante, un peu comme un vaccin chez l’homme.
À l’IRHS, dans l’équipe ResPom, nous étudions ces mécanismes grâce à un SDP modèle, appelé acibenzolar-S-methyl (ASM) et capable de « booster » les défenses du pommier. L’ASM ne tue pas les bioagresseurs, mais prépare la plante à réagir plus vite et plus efficacement en cas d’attaque.
Quand la chaleur brouille les défenses
Nous avons cependant observé que l’efficacité des SDP dépendait des variations climatiques. Nos travaux montrent qu’une exposition à des fortes températures réduit considérablement la protection apportée par l’ASM contre les maladies. Fait surprenant : même si les gènes de défense s’activent, la plante reste vulnérable aux maladies. Autrement dit, elle ouvre son parapluie, mais se retrouve trempée !
Pour mieux comprendre comment protéger le pommier, notre objectif est maintenant de comprendre pourquoi le SDP échoue parfois à protéger la plante alors qu’il joue bien son rôle de « stimulateur de défenses ». Nos recherches suggèrent que le métabolisme (ou bien « les réactions biochimiques internes ») de la plante, très sensible à la chaleur, joue un rôle clé. Identifier les métabolites impliqués dans la résistance ou la vulnérabilité du pommier permettrait de mieux comprendre comment fonctionnent ces produits afin d’en optimiser leur utilisation.
Vers une arboriculture plus durable
Stimuler les défenses naturelles du pommier est une piste prometteuse pour réduire les pesticides et rendre l’agriculture plus durable. Mais avec le réchauffement climatique, cette question devient cruciale : si la chaleur diminue l’efficacité des SDP, leur utilisation dans les vergers pourrait laisser le pommier démuni.
Pour que cette approche fonctionne de manière fiable, il faut identifier les conditions idéales d’utilisation en tenant compte de l’environnement. Comprendre comment le climat influence le métabolisme et le système immunitaire des plantes est donc une étape importante vers des vergers durables. Ces travaux aideront les arboriculteurs à adopter des pratiques plus respectueuses de l’environnement, tout en maintenant la productivité de leurs vergers.
Pour plus d'informations, le DOI de mon article : 10.1111/pce.70256
Cet article introduit les travaux du projet de thèse ThermoDéfenses, réalisés à l’Institut de Recherche en Horticulture et Semences (UMR 1345–IRHS INRAE, Institut Agro Rennes-Angers, Université d’Angers) par Bao-huynh NGUYEN (2023–2026) encadré par Romain LARBAT & Florent PANTIN. Les résultats issus de ces travaux s’inscrivent dans le projet « Cap Zéro Phyto ». Le projet de thèse est également soutenu par la région Pays de la Loire et le département Agroécosystèmes de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement (AES-INRAE).
