Détection d’objets par radar: les ondes électromagnétiques sont confinées
Publié par Nolwenn Dreano, le 13 novembre 2025 1
Les ondes électromagnétiques sont invisibles mais pourtant elles sont présentes partout dans notre environnement. Leur application est multiple, mais cet article se concentre sur la mesure en chambre anéchoïque afin de caractériser l’image électromagnétique d’un objet, comme celui d’un avion. Les mesures sont difficilement possibles en champ lointain car il faudrait créer des pièces très grandes engendrant un coût non négligeable. L’objet de ma thèse est de calculer la SER en champ lointain en fonction de données acquises en champ proche.
Les ondes électromagnétiques
Les deux grandes familles d’ondes qui caractérisent notre environnement sont les ondes mécaniques et les ondes électromagnétiques. Les ondes mécaniques sont visibles, comme celles que l’on peut voir sur l’eau lorsqu’on jette un caillou, ou comme celles qui sont créées lorsqu’on gratte une corde de guitare. Elles ont besoin d’un milieu matériel pour se propager.
Contrairement aux ondes mécaniques, les ondes électromagnétiques peuvent être invisibles et se propager dans le vide. Par exemple, la lumière des étoiles en est une. Ces ondes qui nous entourent sont très présentes dans notre environnement. Le GPS, le Wi-Fi, la TV par satellite, la 5G sont des applications bien connues de la propagation de ces ondes. Les radar, maritime, militaire ou de contrôle aérien sont d’autres applications.
Figure 1: Spectre électromagnétique simplifié
L’objectif de ces radars est de repérer si un avion ou un bateau est en approche. Cependant pour le repérer, il faut être en capacité de caractériser l’avion ou le bateau, c’est-à-dire que l’on doit connaître son image électromagnétique.
L’image électromagnétique est obtenue à partir du calcul de la surface équivalente radar (SER). La SER est la capacité d’un objet à réfléchir les ondes radars. C’est une grandeur qui caractérise la détectabilité de l’objet.
Pour obtenir cette SER, il est donc nécessaire de mesurer la réflectivité de cette cible dans une chambre anéchoïque.
La chambre anéchoïque
Une chambre anéchoïque est une pièce qui est isolée des perturbations extérieures à travers une cage de Faraday. C’est une cage tout en métal qui empêche les ondes de pénétrer ou de s’échapper. L’objectif est de ne pas perturber l’extérieur lorsque l’on fait une mesure et à l’inverse de ne pas être perturbé par l’extérieur (comme par exemple par les ondes 5G ou la Wifi). Dans une chambre anéchoïque, il est impossible de téléphoner avec son portable car le réseau ne passe plus.
Figure 2: Chambre anéchoïque
Cette cage de Faraday est également tapissée d’une mousse afin d’absorber les ondes électromagnétiques radar.

Figure 3: Absorbants électromagnétique
(Source Image : https://www.siepel.com/absorbants-hyper/#seapm)
Ces absorbants sont des mousses imbibées de peinture carbonée permettant de dissiper les ondes sous forme de chaleur. Ils sont coniques pour favoriser les réflexions multiples et ainsi fortement atténuer les ondes comme le montre la figure ci-dessous.

Figure 4: Onde électromagnétique qui se dissipe entre deux absorbants
L’intérêt de ces chambres anéchoïques est de créer un environnement de mesures parfaitement contrôlé où les réflexions et les interférences n’existent pas.
Les mesures radar
Maintenant que l’environnement est parfaitement maîtrisé, des mesures pour caractériser la SER sont nécessaires. Elles se réalisent donc en chambre anéchoïque. La figure ci-dessous présente un cas réalisé sur un avion.

Figure 5: Mesure d'un avion dans une chambre anéchoïque
Une onde est émise par une antenne d’émission. Elle est réfléchie par l’avion et une partie de celle-ci est mesurée par une autre antenne dite de réception.
La SER est définie en champ lointain, c’est-à-dire que les antennes d’émission et de réception doivent être très loin de l’avion pour pouvoir calculer son image électromagnétique. Cependant, il faut être en capacité de quantifier à partir de quand l’antenne est « suffisamment loin » de l’objet. C’est-à-dire à partir de quelle distance entre l’avion et l’antenne, on peut considérer l’onde en champ lointain ?
Une onde émise par une antenne est, par définition, sphérique. Plus l’onde s’éloigne, plus elle devient plane. On définit trois zones :
- La zone de champ sphérique, où le front d’onde est une sphère.
- La zone de Fresnel, où le front d’onde est un paraboloïde.
- La zone de champ lointain où le front d’onde décrit un plan.
La figure 6 illustre les différents plans d’ondes.

Figure 6: Onde émise par l'antenne. En rouge, vert et bleu, fronts d’onde respectifs d’une onde sphérique, paraboloïde et plane.

Figure 7: Définition des zones de champs
Sur la figure 7, les distances sont respectivement celles associées aux zones de Fresnel et de Fraunhofer. Elles se calculent à partir de l’envergure de l’objet et de la fréquence f à laquelle est acquise la donnée. Par exemple, si on fait une mesure à f = 300 MHz, que l’avion peut s’inscrire dans une sphère de rayon de 2.5 m, la distance nécessaire pour être en champ lointain, autrement appelée distance de Fraunhofer, est de 500 m. Le coût d’une telle chambre anéchoïque serait exorbitant. Il faut donc trouver des compromis ou des astuces afin de mesurer la SER pour des objets proches de l’antenne. Une des astuces est de réaliser une mesure en champ proche, dans la zone de Fresnel.
En effet, Sur le même exemple que précédemment, la distance de Fresnel est de 21.9 m. A partir de mesures de la SER dans la zone de Fresnel, le but de ma thèse est de retrouver la SER en champ lointain.
Conclusion
Les problématiques de champ proche lors de la mesure en chambre anéchoïque sont courantes, c’est pourquoi il faut développer des outils de transformation champ proche/champ lointain afin de pouvoir calculer la SER en champ lointain à partir de mesures réalisées en champ proche. Ma thèse s’est donc d’abord orientée sur la compréhension des zones de champ en fonction de la distance entre l’objet à caractériser et l’antenne de réception. La seconde étape a été de faire une synthèse bibliographique des transformations champ proche/champ lointain existantes en prenant en compte les avantages et inconvénients de ce qui est proposé.
La dernière étape a été de mettre en place un algorithme qui calcule la SER en champ lointain à partir de la mesure en champ proche en innovant par rapport aux méthodes existantes.
Les trois années de cette thèse sont financées par une allocation doctorale de la Région Pays de la Loire (50%) et par l’agence innovation défense (50%).
Je tiens à remercier les financeurs de mes travaux et j’adresse un remerciement particulier à mes encadrants, Gildas Kubické et Phillipe Pouliguen ainsi qu’à mon directeur de thèse Christophe Bourlier.
