Transition du monde quantique au monde classique

Publié par Aoumeur Daddi Hammou, le 22 novembre 2024   130

La mécanique quantique est la théorie très réussie utilisée par les physiciens pour étudier la physique d'objets extrêmement petits tels que le comportement des électrons, des protons, des atomes, etc. Nous devons aujourd’hui une grande partie des progrès technologiques, y compris le smartphone ou l’ordinateur que vous utilisez pour lire cet article, à la mécanique quantique. Cependant, l'établissement de la théorie au 20ème siècle a été accompagné de débats houleux entre physiciens en raison d'étranges implications de la mécanique quantique qui ont provoqué un énorme changement dans notre vision de la physique, et de la nature en général. Les étranges implications de la mécanique quantique contrastent avec notre intuition du monde physique que nous avons acquise en appliquant les lois classiques. En particulier, à petite échelle de la physique traitant par exemple des électrons et des protons dans les atomes, les équations de la mécanique classique qui décrivent le mouvement et les interactions entre les objets dans notre monde macroscopique cessent d'être applicables et les lois de la mécanique quantique prennent le relais. Par conséquent, nous pouvons nous interroger sur la relation entre les domaines quantique et classique, et sur la manière dont le monde classique qui nous entoure émerge du monde quantique étrange prédit par la mécanique quantique.

Pour répondre en partie à cette question, nous nous concentrons sur une seule propriété étrange de la mécanique quantique parmi les nombreuses qu'elle possède, et essayons d'expliquer comment une telle propriété disparaît dans notre monde physique quotidien.

Dans ce dernier, nous voyons les objets ayant des valeurs uniques de position et de vitesse à chaque instant, tandis que la mécanique quantique prédit que, par exemple, un électron pourrait occuper plusieurs positions à la fois, c'est ce qu'on appelle le principe de superposition en mécanique quantique. Autrement dit, l'électron pourrait être de manière cohérente dans une superposition de plusieurs états à la fois ! Cependant, lorsque l'on essaie de mesurer sa position, alors, il apparaît dans une seule position tout comme nous observons des objets dans la vie quotidienne ! Une question légitime est alors de savoir pourquoi le principe de superposition cesse d'être applicable dans notre monde quotidien ou lorsque nous effectuons une mesure sur un objet quantique? En particulier, étant donné que la mécanique quantique a connu un grand succès, il est souhaitable de répondre à la question en utilisant son propre langage en supposant qu'il s'agit d'une théorie universelle applicable à toutes les échelles et que la mécanique classique n'en est qu'une approximation.

Une partie essentielle de la réponse consiste à remarquer que les objets dont nous attendons qu’ils manifestent l’étrange propriété quantique de superposition ne sont pas isolés mais plutôt ouverts à leur environnement et interagissent avec ses composants. Par exemple, les photons provenant de votre appareil ou de la fenêtre se dispersent sur votre corps au moment où vous lisez ces lignes et emportent de l' informations sur votre position. Ce dernier processus est en fait un processus de mesure ! Par conséquent, la mesure qui fait que l'électron prend une valeur de position définie et détruit sa superposition cohérente d'états, ou décohére son état, a lieu à chaque instant dans notre monde quotidien, que nous le ressentions ou non. Vous pouvez argumenter et dire que je peux m'enfermer dans une pièce sombre pour préserver la cohérence quantique de mon état, mais il reste quasiment impossible de protéger complètement votre corps de l'environnement qui vous entoure, il suffit de savoir qu'environ 100 000 milliards de neutrinos provenant du l'espace traverse notre corps chaque seconde. Évidemment, plus le système est grand, plus il est exposé à son milieu, donc moins de chances de manifester des propriétés quantiques.

Le fait qu'un système quantique soit ouvert et non fermé entraîne la perte de sa cohérence quantique dans le milieu, ce phénomène est appelé décohérence quantique, étudié d'abord par D. Zeh et développé plus tard par de nombreux physiciens, notamment W. Zurek qui a été le pionnier de cette branche de la physique.

Jusqu'à présent nous avons compris que le processus de mesure omniprésent dans notre quotidien nous interdit d'observer un objet en état de superposition, mais, en premier lieu, pourquoi la mesure nous fait perdre l'état de superposition cohérent. La réponse complète à cette question fait encore l’objet de débats à ce jour. Le cadre de la décohérence explique cette disparition de la superposition par l'intrication quantique s'effectuant entre l'objet quantique et le milieu. En termes simples, l'intrication quantique signifie qu'il y a une corrélation entre l'état du système et l'état du milieu, de telle sorte que la spécification de l'état du premier fixe automatiquement l'état du dernier. Pour faire simple, imaginez un objet qui se trouve simultanément à droite et à gauche d'un point de référence, disons une voiture par rapport à un bâtiment, comme le permet la mécanique quantique. Ensuite, une fois que vous essayez d’observer l’objet et de le localiser, une intrication quantique se produit entre votre état et le sien. Vous devenez donc vous-mêmes en superposition de deux états. Le premier état correspond à l'objet étant à droite et votre deuxième état correspond à l'objet étant à gauche du point de référence. Ainsi, l'état de superposition locale de la particule est devenu une superposition globale de la position de l'objet plus vous, et une telle intrication influence ce que vous pouvez mesurer localement. En effet, le fait que vous soyez dans une position définie et dans un seul état bien spécifié, comme c'est toujours le cas dans notre vie quotidienne, implique que l'objet corrélé à votre état sera également dans un état bien défini, soit à droite, soit à gauche, mais pas en superposition des deux. Ayant compris que nos états définis uniques obligent les objets autour de nous à être également dans des états définis uniques, alors une question naturelle à se poser est de savoir ce qui décide de l'état à observer parmi les plusieurs états possibles de l'objet ? Cette dernière question traite du problème du résultat unique dans le problème de mesure quantique et reste une question ouverte avec plusieurs modèles essayant de l'aborder.

Bibliographie

  1. Image de couverture : Gerd Altmann / Pixabay
  2. Zurek, Wojciech Hubert. "Decoherence and the transition from quantum to classical—revisited." Quantum Decoherence: Poincaré Seminar 2005. Basel: Birkhäuser Basel, 2003
  3. Schlosshauer, Maximilian A. Decoherence: and the quantum-to-classical transition. Springer Science & Business Media, 2007.
  4. Bringing Schrödinger's Cat to Life. Scientific American. Philip Yam. Octeber 9, 2012
  5. What is quantum mechanics? Live Science. Robert Coolman and updated by Adam Mann on March 2, 2022.