Le gène OPA1 et son rôle dans les Neuropathies Optiques Héréditaires (NOH)

Publié par L'équipe de recherche MitoLab, le 30 novembre 2023   670

Les NOH, ces maladies mitochondriales qui affectent le nerf optique et causent une perte plus ou moins sévère du champs de vision central.

Rencontre avec le Dr. Guy Lenaers, directeur de recherche CNRS dans l’équipe MitoLab, (CNRS, INSERM,  Université  d'Angers).

Depuis 25 ans, je suis intéressé par les Neuropathies Optiques Héréditaires (NOH). Ce sont des maladies mitochondriales qui affectent les nerfs optiques, dont les fonctions consistent à transmettre l’information visuelle de la rétine au cerveau. Les nerfs optiques incluent 1,2 millions d’axones des cellules ganglionnaires de la rétine, neurones qui transmettent l’information visuelle, 15 fois par seconde. Les patients atteints de NOH présentent une perte plus ou moins sévère de leur champ visuel central, qui les empêchent de regarder et lire, en conservant tout de même une part de leur champ visuel périphérique qui leur permet de voir leur environnement (figure 1).

En 2000, j’ai eu le privilège de découvrir le gène OPA1, qui est le gène majeur des formes dominantes des NOH. Ce gène est retrouvé muté dans plus de la moitié des cas actuels pour lesquels on a pu établir un diagnostic génétique. Depuis cette découverte, notre équipe a identifié une kyrielle d’autres gènes et mutations impliqués dans cette forme de NOH dominante, nous positionnant comme leader mondial dans ce domaine. Nous avons aussi identifié des gènes à transmission récessive, dont l’existence était questionnée étant donné leur extrême rareté, jusqu’à l’accumulation d’évidences multiples. Paradoxalement, ces gènes sont aussi souvent associés à des tableaux cliniques syndromiques sévères composés de multiples symptômes neurologiques.

Image représentant une grosse tâche noire au milieu d'un livre ouvert
Figure 1 : Vision d’une personne souffrant d’une Neuropathie Optique Héréditaire

En parallèle, nous avons cherché à comprendre comment et pourquoi seul le nerf optique dégénère dans cette maladie mitochondriale. Ceci nous a amené à préciser le rôle clé de la dynamique mitochondriale dans le processus pathologique affectant les axones du nerf optique. En effet, l’excès de fission ou de fusion des mitochondries est un élément central de la dégénérescence des cellules ganglionnaires de la rétine. Ceci est lié à une singularité de ces neurones qui présentent une absence de myélinisation dans le volume oculaire et qui deviennent myélinisés dans les voies optiques intra-cérébrales, et de fait présentent une différence de besoin énergétique entre ces deux états qui requiert une adaptation de la distribution, de l’abondance et de la structure des mitochondries.

Récemment, nous avons aussi montré que les altérations des mitochondries responsables de NOH entrainaient de nombreuses altérations de voies du métabolisme cellulaire. Les conséquences de ces découvertes ouvrent potentiellement des applications thérapeutiques, car les carences identifiées peuvent être restaurées par des complément alimentaires. Cette approche originale a permis d’initier un essai clinique pilote sur les patients OPA1 dont les résultats seront obtenus d’ici deux ans.

De plus, l’œil, par sa taille et son volume clos, est aussi l’organe de prédilection pour la thérapie génique, une solution thérapeutique qui permettrait en une seule intervention d’arrêter l’évolution de la maladie. De fait, nous avons développé une approche de thérapie génique polyvalente pour traiter les patients porteurs d’un variant pathogène d’OPA1. La preuve de principe thérapeutique au niveau cellulaire ayant été établie depuis deux ans, nous avons breveté cette invention et poursuivons les essais précliniques chez l’animal, afin d’assurer dans un avenir relativement proche les premiers essais cliniques chez les patients OPA1 recruté dans les Centre de Référence Maladies Rares.

Forts de ces succès, nous poursuivons le démembrement génétique des NOHs, grâce aux services de Neurologie et de Génétique du CHU d’Angers, et l’élaboration de solutions thérapeutiques pour d’autres gènes de NOH, afin de traiter le plus efficacement le plus grand nombre de patients et dans des délais que l’on souhaite les plus courts possible.

Dr. Guy Lenaers, directeur de recherche CNRS, directeur de l’équipe Mitolab et de l’Unité MITOVASC (CNRS, INSERM, Université d’Angers).

Cet article est issu d'une série de podcasts réalisée en  en collaboration avec l'association  étudiante Indésciences.