Valoriser l'agriculture durable : les Paiements pour Services Environnementaux comme levier de transition agroécologique

Publié par Soazig Di Bianco, le 28 mai 2025   23

Pour favoriser le développement d’une agriculture plus durable, il est essentiel de repenser les modèles de valorisation des pratiques agricoles. Dans cette optique, la recherche explore comment des acteurs privés, qu'ils soient intégrés ou non dans les chaînes de valeur agricoles, s’engagent dans des paiements pour services environnementaux (PSE) fournis par l’agriculture, et comment les conseillers accompagnent les agriculteurs dans ces nouvelles missions.

Valoriser les Services Environnementaux (SE) fournis par l’agriculture

L’agriculture génère de nombreux services environnementaux : entretien du paysage, préservation de la qualité des sols et de la biodiversité, régulation du cycle de l’eau, etc. Elle contribue également à stocker près de 47 % du carbone présent dans les sols français ! L’augmentation de ce bouquet de services est au cœur des enjeux de la transition agroécologique. Cependant, les pratiques environnementales nécessaires à l’entretien de ces services représentent un coût pour les agriculteurs, à la fois en termes d’investissement matériel et de temps de travail, qui n’est pas compensé par le marché. En conséquence, les arbitrages économiques des agriculteurs et des acteurs des filières se font parfois au détriment de ces pratiques environnementales.

Les PSE privés : des entreprises qui se tournent vers l’agriculture pour leur RSE !

Pour remédier à cette situation, des initiatives de Paiements pour Services Environnementaux (PSE) émergent, offrant aux agriculteurs une rémunération associée à la fourniture de ces services. Ces dispositifs se caractérisent par l’engagement volontaire des parties prenantes, l’identification d’un service ou d’un bouquet de services à rémunérer, la conditionnalité du paiement à des résultats ou à la mise en œuvre de bonnes pratiques (obligation de moyens), et l’amélioration de l’état de l’écosystème (principe d’additionnalité). De plus, la rétribution (paiement) peut prendre différentes formes. Ces dispositifs mettent en relation des offreurs de services environnementaux et des acheteurs, souvent avec l'intervention d'intermédiaires, dont le rôle reste encore peu documenté.

Un nombre croissant d’acteurs privés se positionnent en tant qu’acheteurs de ces services environnementaux. Ils peuvent appartenir à des filières agroalimentaires (coopératives, négoces, transformateurs, distributeurs) ou à d’autres secteurs (industrie, luxe, énergie, bancassurance, BTP, etc.). Ces acteurs voient dans les dispositifs de PSE un moyen de s’engager sur leur territoire, de revaloriser leur image et de donner un sens à leur programme de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).

Un programme de recherche centré sur le rôle des intermédiaires dans l’essor de dispositifs de PSE privés

Le Laboratoire de Recherche en Sciences Sociales (LARESS) de l’Ecole Supérieure des Agricultures à Angers s'efforce de caractériser la diversité des dispositifs de PSE émergents, notamment en Pays de la Loire, et d'interroger le rôle et les fonctions d’accompagnement nécessaires à leur mise en œuvre. Quels types d’intermédiaires interviennent dans ces PSE et pour quelles fonctions ? Comment les PSE renouvellent-ils le métier de conseiller agricole ?

Les travaux récents du LARESS (2017-2024) ont permis de conclure que ces initiatives de PSE, qu'elles soient privées ou publiques-privées, contribuent à atteindre des objectifs de durabilité en engageant des acheteurs privés dans la valorisation économique des changements de pratiques pour les agriculteurs. De plus, des acteurs intermédiaires, situés à l’interface entre les offreurs et les acheteurs de services environnementaux, jouent un rôle central dans l’émergence, la diffusion et la pérennisation de ces dispositifs. Enfin, l’accompagnement des agriculteurs engagés dans ces dispositifs de PSE nécessite un travail de crédibilisation de l’offre de services environnementaux, ce qui pourrait redéfinir la place, le rôle, les compétences, les outils et les modalités du conseil agricole (Di Bianco et al., 2024).

Aussi, le LARESS propose d’interroger comment les PSE permettent la construction de marchés de services environnementaux entre différentes parties prenantes. Nous analyserons une diversité de dispositifs de PSE pour caractériser différentes formes de coordination et la manière dont elles transforment les fonctionnements institués dans les chaines de valeur. Puis, considérant que l’évaluation de la qualité d’un service environnemental ne va pas de soi, nous nous intéresserons aux outils utilisés par les conseillers pour les évaluer. Et enfin, nous nous intéresserons à la manière dont ces dispositifs de PSE transforment, ou constituent une extension des rôles antérieurs des conseillers agricoles, et requiert à ce titre des équipements nouveaux.

Conclusion

Les dispositifs de PSE apparaissent comme un cas particulièrement pertinent pour analyser l’engagement d’une diversité de parties prenantes dans la transition agroécologique. Le LARESS développe un programme de recherche visant à produire des connaissances sur la place, le rôle, les équipements et les modalités d’engagement des acteurs intermédiaires dans les dispositifs de PSE, avec pour objectif de mieux les outiller afin qu’ils puissent assumer plus facilement leur rôle dans ces dispositifs de transition.

Si vous souhaitez en savoir plus, n’hésitez pas à nous contacter, à suivre nos conférences gratuites (www.chaire-mutations-agricoles.com) ou à venir à notre rencontre lors de La Nuit de la Science : le vendredi 03 octobre 2025.

Crédits photos : Ecole Supérieure des Agricultures