... et des calottes glaciaires.

Publié par Pôle Science & Société Le Mans Université, le 24 juin 2025   18

ALORS QUE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE NOUS FAIT VIVRE UNE DÉGLACIATION ACCÉLÉRÉE, LES NOUVEAUX OUTILS PERMETTENT DE COMPRENDRE LA CINÉMATIQUE DE LA DISPARITION DES DERNIÈRES CALOTTES GLACIAIRES, IL Y A PLUSIEURS MILLIERS D’ANNÉES.

Observons l’Amérique du Nord et remontons le temps. Quelque part autour de 20 000 ans en arrière, lors de la dernière phase glaciaire, nous voici au point culminant de l’existence de la calotte glaciaire qui recouvrait une grande partie du continent jusqu’au sud de New York, comme un immense pancake. Ce qui intéresse l’enseignant-chercheur en géosciences Édouard Ravier, c’est le processus de déglaciation de cette calotte glaciaire. En se retirant, elle a donné aux sols leur relief actuel.
« Lors du réchauffement climatique, les calottes glaciaires sont complètement déstabilisées, elles fondent par le dessus et le dessous, s’amincissent, s’écoulent de plus en plus vite et finissent par localement se disloquer », décrypte-t-il.

L’équipe de recherche s’est donnée pour mission de comprendre ce qui s’est passé sous la glace des calottes, notamment en cartographiant les « reliques », ces dépôts sédimentaires à la morphologie particulière connus sous le terme de bedforms.
Grâce à ces indices, les chercheurs peuvent reconstituer la vitesse et la durée d’écoulement du glacier, et même évaluer la quantité d’eau qui circulait à sa base. Pour mener ces recherches, le laboratoire possède un dispositif de modélisation expérimentale : « Nos maquettes utilisent d’autres matériaux que ceux de la nature afin de reconstituer les processus en accéléré. Nous utilisons par exemple de la silicone qui possède certaines caractéristiques de la glace et qui peut fluer beaucoup plus vite. En l’espace de trois heures, nous pouvons modéliser plusieurs centaines ou milliers d’années. »

Scénariser l’avenir de nos calottes
Comme pour le projet CALEPAB (voir article précédent), les méthodologies ont aussi considérablement évolué au fil des années. « Auparavant, j’allais exclusivement sur le terrain, en exécutant le travail classique d’un géomorphologue et sédimentologue », commente Édouard Ravier. « Progressivement, nous avons développé d’autres outils. » Les algorithmes d’intelligence artificielle, les modèles 3D de la surface de la Terre et les images satellites ont pris une place de choix, permettant aux chercheurs de travailler désormais à des échelles gigantesques et de traiter d’énormes quantités de données.
Bien entendu, en cette période de réchauffement climatique intense, accélérée et inquiétante, cette plongée dans un passé, finalement pas si lointain, revêt une grande importance pour éclairer l’avenir de nos deux calottes glaciaires actuelles : l’Antarctique et le Groenland. « Les conséquences des déstabilisations des calottes sont multiples : relargage massif d’eau douce dans les océans (et donc augmentation du niveau de la mer), production accrue d’icebergs, vidanges brutales de lacs sous-glaciaires, modifications des courants océaniques… », énumère le chercheur.

Toutefois, les incertitudes demeurent nombreuses et tous les modèles doivent être comparés et superposés afin de faire surgir les scénarios les plus probables. Au-delà de la rupture méthodologique que représente l’utilisation des nouveaux outils numériques, une autre s’opère, plus subtile et personnelle, dans l’esprit des chercheurs.
« Étudier les glaciers ne prête pas à l’optimisme », confie Édouard Ravier. « En voyageant beaucoup, je me disais que je contribuais au phénomène que j’étais en train d’étudier. Les voyages sont aujourd’hui moins nécessaires et tant mieux. Toutefois, les doctorants notamment doivent continuer d’aller sur le terrain, car il existe un décalage parfois fort entre ce que l’on y observe et ce que les nouveaux outils nous montrent. »


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CHERCHEUR : Edouard RAVIER
NOM DU PROJET : Ice Collapse
LABORATOIRE : LPG | Laboratoire de Planétologie et Géosciences [ UMR CNRS 6112 ]

©Crédits photos : LPG