Nitrate et bactéries du sol influencent l’architecture racinaire des légumineuses

Publié par Joelle Fustec, le 31 août 2023   510

Les légumineuses telles que le pois, la féverole ou encore les haricots, sont riches en protéines et présentent un potentiel intéressant pour mieux concilier agriculture et environnement. Toutefois, ces plantes sont facilement envahies de mauvaises herbes, car elles absorbent peu d’azote du sol en début de culture. L’étude de la façon dont certains facteurs de l’environnement proche des racines influence leur fonctionnement peut permettre d’améliorer leur compétitivité vis-à-vis des mauvaises herbes.

Un partenariat plante-bactérie pour réduire les apports d’engrais

Les légumineuses ont la capacité de s’associer à des bactéries du sol du groupe des Rhizobium. Cette association bénéfique, aussi appelée symbiose, résulte d’un processus d’émission et de reconnaissance de signaux moléculaires entre bactérie et légumineuse. Elle conduit à la formation de nodosités sur les racines, capables de capter l’azote de l’air pour en apporter à la plante. De ce fait, les légumineuses sont riches en protéines et peuvent aussi apporter de l’azote de l’air au sol, permettant d’assurer un gain de 20 à 60 kg d’azote par hectare à la culture suivante. Ainsi, grâce aux rhizobiums, les légumineuses peuvent être considérées comme des plantes bio-fertilisantes, autorisant une diminution significative des apports d’engrais.

  1. Nodosités en formation sur les racines de pois après coloration (Photo. Laure Boeglin, ESA),
  2. Nodosités bien formées colorées et observées au microscope électronique à balayage (Photo. IMAC).

…et pourquoi pas réduire aussi les apports d’herbicides

Dans les systèmes apportant peu d’engrais et de pesticides, les légumineuses peuvent être utilisées en association avec une autre culture dans une même parcelle, par exemple avec une céréale ou du colza. Cela permet de combiner l’apport d’azote de la légumineuse avec le contrôle des mauvaises herbes, pour éviter l’utilisation d’herbicides. Cette pratique nécessite que les deux cultures associées soient très efficaces pour absorber l’azote minéral présent dans le sol dans leurs premiers stades de croissance, pour n’en rien laisser aux mauvaises herbes ; ce n’est pas le cas des légumineuses, surtout si la formation de nodosités intervient trop tôt.

Augmenter la compétitivité des légumineuses vis-à-vis des mauvaises herbes

Nous savons que la présence de Rhizobium à proximité des racines de légumineuses induit la formation de nodosités, à condition de la concentration en nitrate du sol ne soit pas trop élevée. La quantité de nitrate du sol absorbée par les plantes est liée au développement de racines latérales. Or, la concentration en nitrate est aussi connue pour agir en tant que signal, non seulement sur la formation des nodosités, mais aussi l'architecture du système racinaire. On peut donc formuler l’hypothèse selon laquelle la présence de Rhizobium à proximité des racines des légumineuses, en plus d’un effet sur la formation des nodosités, a aussi un effet sur la ramification des racines, affectant ainsi leur compétitivité pour les mauvaises herbes.

Rhizobium et concentration en nitrate : deux signaux en interférence

Ainsi, l’analyse de jeunes plants de pois cultivés en cultures hydroponique sous serre avec différentes concentrations de nitrate et en présence ou absence de Rhizobium a permis de montrer que les processus de signalisation influencés par la concentration en nitrate sont influencés par la présence de Rhizobium au niveau de la détection de la signalisation du nitrate elle-même. En effet, au niveau moléculaire, la présence de Rhizobium module le niveau d’expression de gènes impliqués dans la voie de signalisation codant pour le système de transport du nitrate. Cela s’exprime par le fait que la ramification des racines en réponse à un apport de nitrate n’est plus limitée lorsque des Rhizobiums sont présents à proximité. De plus, le nombre de racines tertiaires produits par les racines secondaires était plus élevé chez les pois dont les racines étaient colonisées par le Rhizobium en comparaison des pois non colonisés.

A droite, culture de pois en hydroponie à différentes concentrations de nitrate en présence ou absence de Rhizobium (Photo. Laure Boeglin, ESA).

Perspectives

Les résultats de ces recherches peuvent être utiles pour la production d’outils moléculaires pour la sélection de génotypes de pois capables de développer des systèmes racinaires plus compétitifs pour l'absorption du nitrate du sol pendant l'établissement des jeunes plants sans compromettre la formation des nodosités, et par conséquent plus compétitifs vis-à-vis des mauvaises herbes.

Par Laure Boeglin

Thèse encadrée par  Joëlle Fustec, Unité de recherche LEVA (ESA, INRAE), Anis Limami et Marie-Christine Le Paven, Equipe SMS de l’IRHS (Université d’Angers, Institut Agro, INRAE).

Remerciements : Plateau technique IMAC de la SFR QUASAV.

Financement : Région Pays-de-la-Loire / RFI Objectif Végétal / Département AgroEcoSystem INRAE