Des acide gras oméga-3 avant le vêlage : un coup de boost pour le colostrum des vaches laitières
Publié par Laudy Serhal, le 22 septembre 2025 93
Saviez-vous que la qualité du colostrum – ce « premier lait » si précieux pour les nouveau-nés – se joue des semaines avant la mise bas ? La période autour du vêlage se caractérise par un stress métabolique dû à un déséquilibre entre les besoins énergétiques accrus de la mère et du nouveau-né et les apports alimentaires insuffisants. À l’école vétérinaire Oniris (VetAgroBio) de Nantes, nous avons testé l’hypothèse selon laquelle l’ajout d’acides gras oméga-3, apportés sous forme de graines de lin extrudées, dans la ration des vaches durant la période de tarissement — c’est-à-dire les 6 à 8 semaines de repos entre deux lactations — pourrait influencer leur santé et celle de leur veau. Notre objectif : aider la mère à traverser sereinement le vêlage et améliorer le colostrum qu’elle produira le jour J. Voici ce que nous avons observé, et ce que cela implique pour les élevages. Cela s’inscrit également dans une démarche de l’amélioration du bien-être animale en élevage.
La période sèche : un « atelier de préparation du colostrum »
Les 6 à 8 semaines qui précèdent le vêlage ne sont pas un temps mort : c’est au contraire le moment où se prépare le colostrum. Le corps de la vache réorganise ses priorités : il met la glande mammaire en condition, réajuste son métabolisme et son immunité. Cette phase est exigeante : au moment du vêlage, la vache passe drastiquement d’un statut de gestante à celui de laitière, avec un stress énergétique parfois important. Une alimentation soignée pendant la période sèche peut donc faire la différence, pour la mère comme pour la qualité du colostrum.
Pourquoi des acides gras oméga-3 ?
Les oméga-3 (les « bonnes graisses ») sont connus pour leurs effets anti-inflammatoires et leur rôle dans le métabolisme énergétique. Pour les ruminants, on s’intéresse surtout à l’ALA (acide alpha-linolénique) contenu dans le lin : bien valorisé, il peut contribuer à une meilleure gestion des graisses corporelles autour du vêlage. En clair : aider la vache à « démarrer » sans trop puiser dans ses réserves. Tout en influençant la composition nutritionnelle du colostrum.
Notre schéma de l’étude
- Où ? Dans trois fermes commerciales de vaches laitières.
- Qui ? 36 vaches Prim’Holstein en fin de gestation, réparties aléatoirement en deux groupes.
- Quoi ?
- Témoin : ration sèche habituelle.
- Oméga-3 : même ration, + graines de lin extrudées (procédé qui protège les oméga-3 dans le rumen) pendant ~7 semaines avant vêlage.
- Et après ? Au vêlage, toutes retrouvent la même ration (sans lin).
- Ce qu’on mesure :
- Chez la mère : biomarqueurs (indicateurs) sanguins du statut énergétique
- Dans la mamelle : colostrum du jour 0 (taux butyreux)
Ce que nous avons observé chez les mères
1) Un « démarrage » métabolique plus serein
Chez les vaches du groupe traité (avec l’apport des acides gras oméga-3 pendant la période de tarissement), nous avons observé des acides gras non-estérifiées plus bas au vêlage. Cad simplement : moins de tirage dans le “réservoir” au moment critique. C’est un signal positif d’une mobilisation lipidique moindre au moment du stress péripartum.
2) Un colostrum « rehaussé »
Côté mamelle, plus de matière grasse dans le colostrum chez les vaches supplémentées. Or la fraction lipidique du colostrum n’est pas qu’une énergie : elle véhicule aussi des acides gras d’intérêt et participe à la densité nutritionnelle.
Pour un essai en conditions réelles, c’est encourageant.
Ce que ça change concrètement pour l’éleveur
- Moins de contraintes au post-vêlage : si la vache mobilise moins, moins de cétoses à gérer, des retours en lactation plus fluides.
- Un colostrum plus “dense” : plus riche en graisses.
- Une démarche simple : ajouter de la graine de lin extrudé pendant ~7 semaines avant vêlage sans tout bouleverser dans la ration (on garde l’équilibre énergie/protéines).
- Local et durable : le lin est une ressource végétale disponible en France ; cette voie valorise une matière première locale plutôt que des apports exotiques.
Le projet de thèse PREVEAU, réalisée sur le campus d’ONIRIS VetAgroBio à Nantes par Laudy Serhal (2022-2025). Le travail de la thèse se situe à l’interface de la nutrition, la santé animale et de l’épidémiologie. Elle est réalisée sous la supervision de Nathalie Bareille et de Juan Manuel Ariza, de l’UMR BIOEPAR, en collaboration avec Valorex. Le projet est financé par la région Pays de la Loire, et le Laboratoire d’innovation territoriale (LIT) OUESTEREL. L'UMR BIOEPAR est sous la tutelle d'ONIRIS VetAgroBio et de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'Alimentation et l'Environnement - INRAE.