Polluants émergents en ville : émission des éléments du groupe du platine et des terres rares dans les gaz d'échappement
Publié par Margot Bruneau, le 2 novembre 2025 10
Les éléments du groupe du platine (PGEs) et les terres rares sont naturellement présents dans l’environnement. Les PGEs sont peu abondants dans la croûte terrestre à la différence des terres rares. Ces éléments sont donc des métaux précieux en raison de leur faible abondance et de leur distribution inégale dans la croûte. L’Afrique du Sud (34 %) et la Russie (44 %) sont les producteurs principaux en PGEs. La Chine, quant à elle, détient 70 % de la production mondiale en terres rares [1]. La rareté de ces métaux en termes d’abondance et de répartition géographique en fait des métaux précieux et stratégiques. Ces métaux sont cruciaux pour une variété d’applications dans les secteurs de l’électrique, de l’automobile, de la médecine ou dans le développement des énergies renouvelables [1].
Des métaux aux applications variées
Les PGEs se composent de six éléments chimiques : le ruthénium (Ru), le rhodium (Rh), le palladium (Pd), l’osmium (Os), l’iridium (Ir), et le platine (Pt). Ces éléments ont des caractéristiques communes : ce sont des métaux de transition résistant à la corrosion, conducteurs à l’électricité et aux propriétés catalytiques. Pt, Pd et Rh sont les éléments les plus utilisés du groupe, leur usage principal étant la fabrication des convertisseurs catalytiques (43 % pour Pt, 84 % pour Pd et 87 % pour Rh) [2].
Les terres rares sont un groupe de 17 éléments chimiques composés du scandium (Sc), de l’yttrium (Y), et des 15 éléments de la famille des lanthanides (La, Ce, Pr, Nd, Sm, Eu, Gd, Tb, Dy, Ho, Er, Tm, Yb, Lu). Les terres rares ont des propriétés électroniques, magnétiques et optiques qui conduisent à leur utilisation dans la fabrication d’aimants permanents (29 %), dans la catalyse pétrolière (13 %), pour le polissage (13 %), la fabrication de verres et céramiques (13 %) ou encore de convertisseurs catalytiques (8 %) [3].
Un rôle de dépolluant des gaz d’échappement …
Le lanthane (La) et le cérium (Ce) sont associés au Pt, Pd et Rh dans les convertisseurs catalytiques (Figure 1) [4]. Les convertisseurs catalytiques sont constitués d’un support monolithique en céramique, généralement de la cordiérite (2MgO-2Al2O3-5SiO2), présentant une structure dite en nid d’abeille au sein d’une coque en acier inoxydable. Les surfaces du monolithe sont recouvertes d’une couche appelée washcoat composée d’oxyde d'aluminium (Al2O3), de zirconium (ZrO2), de La (La2O3) ou de Ce (CeO2), ainsi que de nanoparticules (1-100 nm) de Pt, Pd et Rh . Ces éléments permettent de diminuer les émissions de gaz nocifs (CO, NOx et HC) par des processus d’oxydation et de réduction (CO2, N2O et H2O) [4].
Figure 1. Application des éléments du groupe du platine et des terres rares dans la fabrication des convertisseurs catalytiques
...mais une émission dans l’environnement
Bien que l’intérêt environnemental et sanitaire des convertisseurs catalytiques soit établi, l’usure et l’abrasion des monolithes, par l’usage des convertisseurs, sont vecteurs d’émission en particules de PGEs, Ce et La via les gaz d’échappement. En effet, l’émission des PGEs peut atteindre 800 ng.km-1 pour Pt, 250 ng.km-1 pour Pd [5] et 253 ng.km-1 pour Rh [6]. En ce qui concerne Ce et La, leur facteur d’émission n’est pas documenté. Une étude a mis en évidence des concentrations émises allant de 90 à 575 µg.g-1 pour La et de 39 à 744 µg.g-1 pour Ce [7].
Le microscope électronique à balayage (MEB) couplé à un analyseur des rayons-X (EDX) peut être utilisé pour fournir des informations sur la morphologie et la chimie des particules à l'émission [8]. Des microparticules rondes et sphériques, entre 0,07 µm et 1,22 µm, composées de La et Ce ont été identifiées. Ces particules sont associées à des particules de combustion (Figure 2-65) ou à du washcoat, constitué d'Al (Figure 2-68-69) ou Zr (Figure 2-64). Des particules de Pd (de 0,12 µm) associées à des particules de combustion ont également été observées (Figure 2-74). Des nanoparticules à microparticules (0,13-0,14 µm) de Pd ont par ailleurs été identifiées sur la particule de washcoat (Figure 2-66-67). Ces résultats soulignent que les PGEs, La et Ce peuvent être conjointement émis dans les gaz d'échappement. Enfin, une microparticule sphérique de 0,14 µm et composée de Ce a été observée sans association (Figure 2-92) [8].
Figure 2. Images en mode électron secondaire (SE) et en électron rétrodiffusé (BSE) des particules de PGEs (en italique) et de terres rares (en gras) observées dans les gaz d'échappement [8].
Transfert des particules émises
La taille et les associations chimiques des particules de PGEs, Ce et La dans les gaz d'échappement sont des paramètres clés pour les études sur le transfert, l'écologie et la santé. Les microparticules atmosphériques inférieures à 2,5 µm (PM2,5) sont considérées comme inhalables par l'Homme et accumulables dans les zones respiratoires [9] ; tandis que les nanoparticules peuvent être transférées au niveau cellulaire dans les organismes vivants [10, 11, 12, 13]. Les PM2,5 et les nanoparticules en environnement routier présentent également un potentiel de transfert élevé via la (re-) mise en suspension ou l'entrainement par les eaux de ruissellement vers les récepteurs environnementaux.
Dans le cadre d'une thèse sur les sources et le transfert des éléments du groupe du platine et des terres rares en environnement routier la taille des particules et les phases porteuses des PGEs, Ce, et La ont été évalués pour déterminer leur capacité de transfert (atmosphère-poussières de chaussée-eaux de ruissellement-bassin d'infiltration/rétention) [14]. Les résultats de ce travail de thèse seront prochainement présentés.
Remerciements : La publication de Bruneau et al. [8] est le résultat d’un doctorat financé par l’Université Gustave Eiffel et la région Pays de la Loire [14].
Références:
[1] USGS, ‘Mineral commodity summaries 2024’, 2024. doi: 10.3133/mcs2024.
[2] M. Johnson, ‘PGM market reports’, 2024. Consulté: Apr. 01, 2025. [En ligne]. Disponible: https://matthey.com/products-a...
[3] BRGM, ‘Ressources Minérales : Les terres rares’. Dossier enjeux des géosciences, 2022.
[4] J. Lucas, P. Lucas, T. Le Mercier, A. Rollat, and W. G. Davenport, Rare earths: science, technology, production and use. Amsterdam Boston Heidelberg: Elsevier, 2015.
[5] M. A. Palacios, M. Moldovan, and M. M. Gómez, ‘The automobile catalyst as an important source of PGE in the environment’, in Anthropogenic Platinum-Group Element Emissions: Their Impact on Man and Environment, F. Zereini and F. Alt, Eds, Berlin, Heidelberg: Springer, 2000, pp. 3–14. doi: 10.1007/978-3-642-59678-0_1.
[6] M. Moldovan et al., ‘Environmental risk of particulate and soluble platinum group elements released from gasoline and diesel engine catalytic converters’, Science of The Total Environment, vol. 296, no. 1, pp. 199–208, Sept. 2002, doi: 10.1016/S0048-9697(02)00087-6.
[7] I. Cunha-Lopes et al., ‘Chemical speciation of PM emissions from heavy-duty vehicles’, Atmospheric Environment, vol. 306, p. 119823, Aug. 2023, doi: 10.1016/j.atmosenv.2023.119823.
[8] M. Bruneau, M. Goriaux, L. Jean-Soro, Y. Liu, P. Tassel, and B. Béchet, ‘Characterisation of rare earth elements in natural and exhaust gas samples: SEM-microscopy and EDX-analysis for source identifications’, Atmospheric Environment: X, vol. 28, p. 100381, Dec. 2025, doi: 10.1016/j.aeaoa.2025.100381.
[9] A. A. Brouziotis, A. Giarra, G. Libralato, G. Pagano, M. Guida, and M. Trifuoggi, ‘Toxicity of rare earth elements: An overview on human health impact’, Front. Environ. Sci., vol. 10, Sept. 2022, doi: 10.3389/fenvs.2022.948041.
[10] E. Asmatulu, M. N. Andalib, B. Subeshan, and F. Abedin, ‘Impact of nanomaterials on human health: a review’, Environ Chem Lett, vol. 20, no. 4, pp. 2509–2529, Aug. 2022, doi: 10.1007/s10311-022-01430-z.
[11] V. González, D. A. L. Vignati, M.-N. Pons, E. Montarges-Pelletier, C. Bojic, and L. Giamberini, ‘Lanthanide ecotoxicity: First attempt to measure environmental risk for aquatic organisms’, Environmental Pollution, vol. 199, pp. 139–147, Apr. 2015, doi: 10.1016/j.envpol.2015.01.020.
[12] G. Pagano, P. J. Thomas, A. Di Nunzio, and M. Trifuoggi, ‘Human exposures to rare earth elements: Present knowledge and research prospects’, Environmental Research, vol. 171, pp. 493–500, Apr. 2019, doi: 10.1016/j.envres.2019.02.004.
[13] L. Wang et al., ‘Rare earth elements activate endocytosis in plant cells’, Proceedings of the National Academy of Sciences, vol. 111, no. 35, pp. 12936–12941, Sept. 2014, doi: 10.1073/pnas.1413376111.
[14]M. Bruneau, ‘Sources et transfert des éléments du groupe du platine et des terres rares en environnement routier’, thesis, Université Gustave Eiffel. Consulté: Nov. 02, 2025. [En ligne]. Disponible: https://theses.fr/s394902
