Automatiser la cartographie des dunes...

Publié par Pôle Science & Société Le Mans Université, le 4 juin 2025   37

SI LE CLICHÉ DU CARTOGRAPHE OU DU GÉOLOGUE EN TRAIN DE FAIRE DES RELEVÉS MANUELS SUR LE TERRAIN N’EST PAS ENCORE RÉVOLU, LES IMAGES À HAUTE DÉFINITION ET L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE MODIFIENT PROFONDÉMENT LEURS MÉTHODOLOGIES DE RECHERCHE ET LEURS PRATIQUES.

Cartographier des dunes « à la main » ne serait-il pas un acte « subjectif », même lorsque nous y sommes aidés par notre ordinateur ? Paul Bessin, enseignant-chercheur en géosciences, répond « oui », sans détour : « C’est une réflexion qui nous revient souvent. On nous dit que nous voyons sur le terrain ce que nous voulons bien voir. En plus, l’application des techniques anciennes prend un temps fou ». L’intelligence artificielle se montrera-t-elle donc plus objective ? Une partie de la réponse sera accessible dans quelques mois, à travers les résultats des projets CALEPAB et BEDFORMAP*.
Depuis deux ans, le Laboratoire de Planétologie et Géosciences (LPG - UMR CNRS 6112) supervise une thèse portant sur l’automatisation de la cartographie des dunes, afin « d’aller plus vite, de capter de plus grandes zones, avec des critères objectifs de pente, de forme, etc. » poursuit le chercheur.

Les dunes se construisent à partir de l’interaction entre un fluide qui s’écoule, en l’occurrence l’air, et la quantité de sable disponible. Les informations sont issues d’images satellites, de données topographiques à hautes résolutions (jusqu’à 1 pixel par mètre), et sont traitées via l’intelligence artificielle et le deep learning (apprentissage profond). Et si les non-initiés pensent que les dunes ne sont que des objets continus, voire indéterminés, les spécialistes parviennent bien à caractériser leur contour et leur ligne de crête.
« Nous pouvons même étudier les petites dunes placées sur les grandes dunes », détaille Paul Bessin. Par exemple, les chercheurs prévoient de retourner, équipés de drones, sur la dune du Pyla, pour étudier les plus petites dunes, appelées rides, qui ne mesurent qu’un centimètre de hauteur sur quatre centimètres de large. Ces rides leur donnent du fil à retordre. Actuellement, aucun outil ne parvient à les cartographier de manière fiable.
« Quant aux grands champs, comme dans les déserts par exemple, les dunes y sont souvent superposées et complexes. »
Grâce au projet, les chercheurs veulent comprendre comment les dunes « s’organisent » entre elles, comment les petites dunes « nourrissent »(ou pas) les plus grandes
et comment il est possible de les classifier les unes par rapport aux autres.
S’ils parviennent à mettre en place une méthode de cartographie suffisamment robuste, ils pourront alors suivre l’évolution des champs de dunes au fil du temps.

©Crédits photos : LPG | La dune du Pyla, en Gironde. Les plus petites rides sont des dunes à part entière et sont délicates à cartographier.

La péninsule arabique dans la poche

Jimmy Daynac, doctorant à Le Mans Université, a d’ores et déjà cartographié les dunes de toute la péninsule arabique qui couvre environ 3 millions de km2, à différentes échelles allant de 100 mètres de large à des espacements de 2,4 ou 6 km entre les dunes.
Cela aurait été impossible à réaliser manuellement. Dans le cadre du changement climatique actuel, l’utilité d’un tel outil est évidente pour suivre de manière dynamique l’évolution des zones concernées par la désertification, grâce à la mise à jour des données, tous les mois, voire tous les jours, notamment en Afrique subsaharienne. Dans quelles directions avancent les dunes ? À quelle vitesse ? Comment évolue leur morphologie ? « Les dunes sont dynamiques et peuvent se déplacer rapidement », prévient Paul Bessin « d’où l’importance de collecter des données acquises sur des périodes courtes. »
L’autre utilisation possible de cette méthode est de permettre un positionnement correct des éoliennes et des hydroliennes implantées en mer. En effet, ces machines sont souvent placées par facilité sur des dunes sous-marines, comme dans la Manche par exemple.
« Seulement, si la dune sous-marine migre, la base de l’éolienne peut se retrouver hors sol. Les experts et les entreprises ont donc besoin de savoir où et comment évoluent ces dunes », précise Paul Bessin. Mais, dans ce domaine comme dans d’autres, l’intelligence artificielle et les automatisations ne pourront pas remplacer pleinement l’expertise humaine. « Le chemin de décision pris par la machine doit être clair et ne doit pas comporter d’erreurs dès le départ. »


+ d’infos sur le projet ?

CHERCHEUR : Paul BESSIN
NOM DU PROJET : *CALEPAB (Cartographie Automatique et Lois d’Échelle Pour l’Analyse des Bedforms), BEDFORMAP
LABORATOIRES :
LPG | Laboratoire de Planétologie et Géosciences [ UMR CNRS 6112 ]
GeF | Laboratoire Géomatique et Foncier