La complémentarité de la microscopie électronique en transmission à balayage (STEM-EDS) et de la spectroscopie de photoélectrons X (XPS) pour l'analyse chimique des couches minces.
Publié par Pierre-Louis Martin, le 19 juin 2024 210
Le dépôt de matériaux d'épaisseur nanométriques (couches minces) est un domaine de recherche traitant de nombreux enjeux scientifiques. Les couches minces peuvent être déposées par différentes techniques telles que la pulvérisation, le dépôt chimique en phase vapeur, de dépôt par couches atomiques (Atomic Layer Deposition).
Pour caractériser la composition chimique de ces couches, nous disposons à l'Institut des Matériaux de Nantes (IMN) de différentes techniques de mesures. La spectroscopie de photoélectrons X (XPS) est une technique d'analyse de la surface des couches minces. Elle permet de sonder les dix premiers nanomètres de la surface, et de déterminer quels sont les environnements chimiques des atomes. C'est-à-dire les liaisons entre ceux-ci. Cette méthode est basée sur l’effet photoélectrique, découvert à la fin du XIXᵉ siècle (Hertz, 1887) et décrit au début du XXᵉ siècle (Einstein, 1905). Cet effet se base sur l’interaction entre un photon incident d’énergie hν (ici 1486,6 eV) et les électrons du matériau. Le transfert de l’énergie du photon peut exciter un électron de cœur si leur énergie hν dépasse l’énergie Eb de liaison entre l’électron et le noyau. Si cet électron se retrouve au-delà du niveau du vide, un détecteur mesure son énergie cinétique Ec, et remonte à son énergie de liaison, Eb.
Chaque atome possède ses propres énergies de liaison appartenant à ses niveaux de cœur. C'est à l'utilisateur de choisir le plus pertinent. Dans le cas des métaux de transition, le niveau dit "2p" est souvent utilisé, car il est le plus sensible à l'environnement chimique. En général, la forme du signal (le spectre) de ces niveaux permet de faire la distinction entre un atome métallique lié à un ou deux atomes d'oxygène, ou à un atome d'azote, de soufre, etc.
La quantification, c'est-à-dire la détermination de la composition chimique de la surface, est possible grâce à l'XPS. Une couche mince peut aussi être érodée (c.-à-d. creusée) et on peut déterminer la composition chimique le long de l'épaisseur de l'échantillon.
Toutefois, on ne dispose pas d'informations spatiales très précises des échantillons, la zone d'analyse étant en général de plusieurs centaines de micromètres carrés, au moins. C'est là que la complémentarité avec l'utilisation de la Microscopie Électronique en Transmission à Balayage est remarquable.
La microscopie électronique en transmission (MET) est une technique d’observation des matériaux à l’échelle nanométrique, développée au début des années 1930 par Max Knoll et Ernst Ruska. Cette invention a valu à ses créateurs le prix Nobel de physique en 1986. Les données obtenues en MET sont des images. Les différentes évolutions de cette technique ont fait émerger le MET à balayage (STEM) à la fin des années 1990 comme un outil puissant de caractérisation. Le faisceau électronique du microscope est focalisé sur l'échantillon et atteint une résolution d'image inférieure à l'Angström (10 milliardièmes de mètre). L'interaction des électrons avec les atomes de l'échantillon est à l'origine de nombreux types d'émissions (électrons, photons). Les photons de haute énergie (rayons X) peuvent être analysés par un détecteur EDS (Energy Dispersive Spectroscopy). Comme pour l'XPS, chaque élément possède ses propres énergies de rayons X, que les logiciels ont intégrées dans leur base de données. Au final, les images obtenues par STEM-EDS sont une cartographie des éléments qui peut atteindre l'échelle nanométrique.
L'analyse combinée par ces deux techniques permet donc d'obtenir un portrait de la composition chimique des couches minces à plusieurs échelles.
Visuel principal contient une image adaptée de Karlík et Jouffrey, « Étude des métaux par microscopie électronique en transmission (MET) - Analyse chimique locale ».