Portrait de Clara Boutreux, doctorante : Une thèse qui perce les mystères des climats du passé au travers des bénitiers géants Tridacna spp.

Publié par Laboratoire de planétologie et géosciences (LPG), le 4 juin 2025   74

Depuis le lycée, Clara Boutreux a déjà bien ancré en elle son désir de travailler sur les paléoclimats. Plus jeune, elle s’imaginait déjà travailler dans les sciences. C’est en terminale que le déclic survient : durant un cours, elle entend parler des carottes de glace récoltées pour étudier des climats anciens. A partir de là, Clara sait ce qu’elle souhaite étudier : les paléoclimats, c’est-à-dire les climats des temps préhistoriques reconstitués et étudiés à partir des phénomènes géologiques et biologiques.
Clara a obtenu une licence en Sciences de la Terre et de l’Environnement à l’Université de Bordeaux. Ensuite, elle a complété un master en Sciences de la Mer, avec une spécialisation en sédimentologie et
paléo-océanographie, dans la même université. Dans le cadre de ses études, elle a pu effectuer divers stages en paléoclimatologie :

  • en licence, elle effectue un stage au laboratoire EPOC à Bordeaux, sur l’analyse des foraminifères de matériaux sédimentaires (Groënland et Norvège).
  • en master, toujours dans le même laboratoire, elle change de latitude et focalise sa recherche autour de la thématique des variations de la mousson indienne pendant le Quaternaire, à partir d’une approche pollinique de carottes de sédiments marins. Elle réétudiera cette thématique en Master 2 en se concentrant cette fois-ci sur la période interglaciaire, entre -150 000 et -220 000 ans.

Lame de bénitier géant Tridacna spp.

Des climats gravés dans des coquilles

À l’issue de sa formation, elle a obtenu une bourse doctorale au Laboratoire de Planétologie et Géosciences (LPG) pour étudier une nouvelle thématique paléoclimatologique. Son projet de recherche porte sur la variabilité climatique rapide de la zone Indo-Pacifique durant l’Holocène. Dans le cadre de cette étude, une nouvelle archive a été utilisée : les coquilles de Tridacna spp. Les Tridacna sont les plus grands bivalves actuels. Ils vivent exclusivement dans les eaux chaudes et peu profondes des zones tropicales.

En France, l’utilisation de cette archive climatique reste restreinte, en raison de la difficulté d’accès aux coquilles, qui ne se trouvent pas naturellement sur le territoire européen. En effet, son doctorat traite de paléoclimat car elle se focalise sur des phénomènes de variabilité interannuelle, comme par exemple El Niño. C’est un événement qui influence le climat, provoquant notamment un réchauffement autour de la zone Pacifique entourant le Pérou (donc davantage de précipitations), et un refroidissement dans la zone incluant l’Indonésie (donc davantage d’assèchement). Avec une récurrence comprise entre 2 et 7 ans, ce phénomène a eu tendance à s’intensifier depuis la période post-industrielle. Son impact sur les populations (agriculture, potentielles inondations) montre l’importance de son étude. Mais pourquoi choisir d’étudier les coquilles de bénitiers ? Car ces animaux, les plus grands bivalves vivants sur Terre, ont une croissance journalière : avec leur coquille composée de carbonate de calcium (CaCO3), il est possible de collecter des données journalières sur l’évolution du climat pour une période choisie. Ces informations permettront d’établir si il y a eu de la variabilité interannuelle des températures des eaux en surface.

Morceaux de coquilles de bénitiers géants Tridacna spp.

Pour accéder à ces données, Clara réalise trois protocoles :


1- La sclérochronologie : A partir de lame mince et des scans hautes résolutions de celle-ci, il est possible d’observer avec précision les incréments de croissance de la coquille., sécrétés quotidiennement


2- Les éléments traces
: le long d’une ligne perpendiculaire à l’axe de croissance, un laser va décrocher de la poudre qui va ensuite être envoyée dans l’ICP-MS, un instrument qui analysera les quantités de magnésium, strontium, baryum…


3- Les isotopes stables : des micro-forages sont réalisés sur une lame plus épaisse faite à partir de la coquille. La poudre récupérée permet d’analyser des paramètres tels que la température, la salinité, etc.
À l’aide de ces méthodes, et des bénitiers contenant jusqu’à une vingtaine d’années de données climatiques, Clara est donc en mesure de déterminer les conditions de paléoclimats variées, avec de nombreux paramètres et une précision à l’échelle d’une journée.

Un regard neuf sur le passé



Au vu des recherches effectuées par Clara, le sujet du regard est récurrent : d’abord par sa vision du passé avec l’étude des paléoclimats, qui pourra être utile pour la prédiction des phénomènes climatique à venir. De même, il s’agit d’un œil nouveau sur la discipline : plus communément, des carottes sédimentaires sont utilisées pour l’étude des paléoclimats, avec une précision autour d’une centaine d’années. Dans le cas des bivalves, cette précision est d’une journée. Il est néanmoins important de prendre en compte l’aspect environnemental et les facteurs ontogéniques de ces êtres vivants. Cela permet une remise en question et un regard nouveau sur l’étude des paléoclimats.
Clara parle également de son expérience en tant que doctorante, et le regard porté sur sa profession. En effet, une thèse demande beaucoup de rigueur, mais aussi d’entraide. En sciences, la collaboration et les échanges sont indispensables au bon déroulement de la recherche. Il faut confronter les idées : pour cela Clara peut compter sur l’expertise d’autres collègues à l’échelle du laboratoire, mais également à l’échelle internationale.