Connaissez-vous cette science, la rudologie ?
Publié par Hélène Biton, le 29 novembre 2022 970
A l’occasion de la Fête de la Science, la Maison des Sciences de l'Homme Ange Guépin (Le Mans Université) proposait une exposition sur la rudologie à travers des documents d’archives inédits. Mais qu'est-ce que la rudologie ?
1985, après une thèse sur le sujet et la création d’un groupe de travail au sein de l’Université du Mans, Jean Gouhier invente le terme de rudologie. Celui-ci vient du latin « rudus » qui signifie « décombres ». En effet, Jean Gouhier et ses étudiants réalisent une étude systématique des déchets, des biens et des espaces déclassés. En d’autres termes, il s’intéresse au contenu de nos poubelles.
Son intérêt pour les déchets commence au début des années 70. Il est affligé de voir des amoncellements de déchets dans un coin de nature qu’il apprécie tout particulièrement. Même si son sujet fait sourire, il a pour ambition de mettre en évidence l’envers du décor de la croissance économique d’alors.
« Le poids moyen des ordures, en 1989, variait selon qu’on habitait en logement HLM de 5 kg d’ordures par semaine, à 35 kg par semaine en pavillon avec jardin, voire 100 kg au printemps.
Jean Gouhier a établi une échelle des choix de vie :
- Dans la poubelle de l’indispensable, restée rurale, l’alimentation laisse peu de traces (restes de légumes, conserves). En revanche, l’abondance des cendres signale un chauffage au charbon.
- Les poubelles du nécessaire correspondent aux familles des grands ensembles locatifs ; l’illustration d’une consommation de masse stéréotypée : plats préparés, emballages métalliques et barquettes de viande. Les produits frais sont peu apparents.
Dans ces premiers types de poubelles, pas de trace de lectures journalières. Parfois, le programme télé ou du courrier...
- Dans la maison individuelle, les poubelles traduisent un choix plus ouvert : fruits et légumes variés, fréquence de viandes et volailles, qualité affinée des produits alimentaires. Avec des moyens accrus, la poubelle de la libre fantaisie ajoute une diversité de la presse, des programmes culturels, des traces d’événements politiques.
Il fallait, alors, développer une prise de conscience essentielle dans la différence entre le pseudo-déchet (ou rebut) réutilisable et le déchet abandonné à la destination finale de la poubelle. Et aussi dans les banlieues des grandes villes, équiper et aider l’usage d’équipements de sélection, de stockage et de traitement des déchets domestiques pour montrer l’intérêt des pouvoirs publics à proposer aux catégories sociales les plus modestes les mêmes chances de recyclage de leurs déchets ».
Extrait d’une interview de Jean Gouhier pour l’Humanité, publié le 3 mai 2013.