Anticiper l’énergie solaire pour fiabiliser les capteurs environnementaux
Publié par Pierre-Emmanuel Hladik, le 24 septembre 2025 120
Dans l’ère émergente de ce que l’on appelle « l’Internet des objets sans batterie » (batteryless IoT), une nouvelle génération de systèmes connectés tente de fonctionner sans recours aux batteries traditionnelles, trop contraignantes à entretenir et problématiques sur le plan environnemental. Ces dispositifs tirent directement leur énergie de l’environnement — par exemple grâce à la lumière du soleil — mais doivent accepter une contrainte majeure : l’intermittence. L’enjeu n’est plus alors seulement de réduire la consommation énergétique, mais bien de concevoir des systèmes capables de s’adapter à des ressources variables et parfois imprévisibles [1].
Les capteurs environnementaux, déployés pour surveiller la biodiversité, suivre l’évolution du climat ou collecter des données dans des zones isolées, illustrent parfaitement ce défi. Fonctionnant à l’énergie solaire, ils doivent composer avec des fluctuations importantes : une journée ensoleillée d’été ne ressemble en rien à un matin d’hiver couvert. Résultat : ces systèmes deviennent intermittents, capables de fonctionner lorsqu’ils accumulent suffisamment d’énergie, mais contraints de suspendre leurs activités dès que les ressources s’épuisent. Les capteurs doivent donc composer avec des phases d’abondance énergétique et d’autres où les ressources deviennent très limitées.
De la réaction à la prédiction
Traditionnellement, les systèmes embarqués utilisent une approche dite réactive : ils ajustent leur consommation uniquement après avoir constaté une baisse de l’énergie disponible. Cette stratégie, bien qu’intuitive, présente des limites. Elle peut entraîner des interruptions de service prolongées, précisément aux moments où la continuité des mesures est la plus nécessaire.
Pour répondre à cette contrainte, une collaboration entre le Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes (LS2N) [2] et l’École de Technologie Supérieure de Montréal (ÉTS) [3], menée dans le cadre du projet PULSAR, s’attache à explorer une autre approche : la prédiction de l’énergie solaire disponible. L’objectif est clair : donner aux capteurs la capacité d’anticiper les variations d’ensoleillement afin d’ajuster, de manière proactive, leur rythme de transmission des données.
L’apport de l’intelligence artificielle
L’étude s’appuie sur une méthode d’apprentissage automatique bien connue, l'algorithme des forêts d'arbres décisionnels (Random Forest). Cet algorithme exploite des données météorologiques (irradiance solaire, humidité, couverture nuageuse, température, etc.) pour estimer la quantité d’énergie que les panneaux solaires fourniront dans les heures à venir [4].
En intégrant cette prévision dans la gestion énergétique, les chercheurs montrent que les capteurs peuvent maintenir un meilleur équilibre : transmettre des données de manière régulière sans épuiser leurs réserves. L’approche prédictive réduit ainsi les périodes de sous-surveillance, tout en limitant les risques d’arrêt complet.
Vers des réseaux de capteurs plus durables
Au-delà des résultats scientifiques, cette démarche ouvre des perspectives prometteuses pour le développement de réseaux de capteurs sobres et durables. Elle répond à un enjeu central : garantir la fiabilité de la surveillance environnementale tout en minimisant l’impact écologique et logistique des installations.
En conjuguant énergie solaire et intelligence artificielle, ces travaux participent à l’émergence d’un Internet des objets respectueux de l’environnement, capable d’accompagner les chercheurs sur le long terme dans l’observation des écosystèmes.
Soutiens financiers
Cette recherche scientifique est soutenue par le dispositif PULSAR de la Région des Pays de la Loire[5].
Références
[1] Ahmed, S., Islam, B., Yildirim, K. S., Zimmerling, M., Pawełczak, P., Alizai, M. H., Lucia, B., Mottola, L., Sorber, J., & Hester, J. (2024). The Internet of Batteryless Things. Communications of the ACM , 67 (3), 64-
73. https://doi.org/10.1145/362471... (free access)
[2] Site web du Laboratoire des Sciences du Numérique de Nantes : https://www.ls2n.fr/
[3] Site web de l'École de Technologie Supérieure de Montréal https://www.etsmtl.ca
[4] A. Bali, P. -E. Hladik, H. Gandji, A. Gherbi and M. Cheriet, "Integrating Random Forest Prediction for Energy Optimization in Solar-Powered Environmental Monitoring," 2024 IEEE 27th International Symposium on Real-Time Distributed Computing (ISORC), Tunis, Tunisia, 2024, pp. 1-10, doi: 10.1109/ISORC61049.2024.10551350.
[5] Site web du dispositif PULSAR de la Région Pays de la Loire : https://www.paysdelaloire.fr/l..
Image générée via Midjourney