Que passerait-il si on mettait une éolienne sur une bouée ?

Publié par Antonin Hubert, le 4 février 2025   130

Imaginez-vous juste un instant allongé sur la plage, en été, sous un Soleil radieux. Vous profitez de la chaleur, de la glace fraise basilic dont vous venez de vous délecter, bref votre vie à la plage est paradisiaque. Mais sans trop comprendre pourquoi vous commencez à avoir froid, assez froid même. Alors vous regardez autour de vous et vous remarquez quelqu’un planté entre vous et le Soleil, ce qui vous coupe complètement de l’énergie dont vous avez tant besoin.

Voilà exactement ce que subit une éolienne au quotidien, sauf que pour elle ce n’est pas le Soleil mais bien le vent : les éoliennes récupèrent l’énergie du vent pour la transformer en électricité et laissent derrière elles une zone avec un vent moins fort et plus turbulent, c’est ce qui est appelé un sillage. Dans un parc éolien, celles positionnées en amont récupèrent une grande partie de l’énergie du vent, n’en laissant que très peu à celles en aval. Le mieux c’est donc de les éloigner les unes des autres, pour que le vent ait le temps de récupérer de nouveau son énergie. Néanmoins, pour des raisons écologique, économique et technique, on ne peut pas se permettre de faire de parc trop grand. Ainsi, il faut trouver la distance optimale à laquelle placer les éoliennes pour que le sillage des unes n’ait pas trop d’influence sur les autres et, pour connaître cette distance, il faut comprendre comment est-ce que le sillage fonctionne.

Maintenant, des vents en mer plus forts et plus constants, couplés avec le manque d’espace disponible et la faible acceptation de la technologie, conduisent à l’installation de parcs de plus en plus loin des côtes. Cependant, à partir d’une certaine profondeur l’éolien fixe n’est plus viable ni économiquement ni technologiquement, et une nouvelle technologie arrive au devant de la scène : l’éolien flottant. Le principe est très simple : mettre une éolienne sur une bouée et l’ancrer au fond marin avec des câbles pour éviter qu’elle ne dérive. Néanmoins, ce simple fait rajoute une difficulté conséquente : du mouvement, ou autrement dit, de la dynamique. Si, après plusieurs décennies de recherche sans brasser du vent, on commence à bien comprendre le sillage des éoliennes fixes, celui des éoliennes flottantes est bien moins évident.

Dans ce contexte, ma thèse (réalisée au LHEEA, à Centrale Nantes) avait pour objectif de mieux comprendre les dynamiques présentes dans le sillage des éoliennes flottantes. Ces travaux ont ainsi pu montrer que ces dynamiques dépendent de la fréquence des vagues et qu’il existe une fréquence propre pour laquelle l’impact des mouvements sur le sillage est le plus important, en fonction de la taille de l’éolienne et de la vitesse du vent. De plus, cet impact dépend aussi de la nature du mouvement :

  • Un mouvement de pilonnement (translation haut-bas) déplace le sillage verticalement, en ne modifiant que très peu les caractéristiques intrinsèques au sillage, comme sa taille et son énergie.
  • Un mouvement de cavalement (translation avant-arrière) entraîne des contractions et des expansions du sillage dans le plan transversal et modifie son énergie sans le déplacer. Un déplacement vertical a été observé mais il semble que cela soit dû au cisaillement du vent amont (cf. couche limite atmosphérique).
  • Un mouvement de tangage (rotation avant-arrière) introduit une combinaison du pilonnement et du cavalement, avec un déplacement vertical du sillage et des modifications de sa surface et de son énergie.

Finalement, cette thèse a permis d’augmenter notre compréhension des phénomènes derrière les mouvements d’une éolienne flottante et de l’impact sur leur sillage. Cela pourra permettre d’optimiser l’extraction de l’énergie du vent des parcs éoliens et de définir si les mouvements du flotteur sont avantageux aérodynamiquement, ou non, et dans quelles conditions.