Nora Navarro-Gonzalez, prévenir la transmission de l’antibiorésistance dans les élevages aquacoles
Publié par EchoSciences Pays de la Loire, le 28 février 2024 870
Qu’elles se consacrent à la biologie, à l’informatique, aux mathématiques ou à d’autres domaines, les chercheuses ligériennes contribuent activement à élargir les horizons de la recherche en Pays de la Loire. Nous sommes donc partis à leur rencontre aux quatre coins de la région pour rencontrer des femmes remarquables. À travers ces portraits imagés, vous découvrirez des chercheuses engagées et passionnées.
Nora Navarro-Gonzalez est enseignante-chercheuse à l’École Vétérinaire de Nantes, Oniris. Depuis son installation à Nantes, elle se consacre à des recherches approfondies dans le domaine de l'aquaculture et des enjeux de santé animale et santé publique au sein de l’UMR BIOEPAR (Unité Mixte de Recherche). Lauréate du dispositif Étoiles Montantes de la Région Pays de la Loire, son projet de recherche s’intéresse à la transmission de l’antibiorésistance dans les élevages aquacoles.
Originaire de Barcelone, Nora Navarro-Gonzalez a toujours eu un intérêt tout particulier pour la santé animale. Pendant ses études à l’école vétérinaire en Catalogne, elle s’est engagée activement au sein d’associations environnementales et s’intéressait notamment à la santé des animaux sauvages. À cette époque apparait le concept du « One Health » ou « une seule santé ». Cette approche vise à appréhender la santé à l'interface entre la santé humaine, la santé environnementale et la santé animale, offrant ainsi une compréhension approfondie des mécanismes de transmission des maladies entre différents compartiments écologiques. Un terme qui a résonné chez Nora. C’est donc naturellement qu’au cours sa thèse puis lors de ses post-doctorats, elle s’intéresse particulièrement à la transmission des agents pathogènes et de l’antibiorésistance à l’interface de la faune sauvage, les animaux domestiques, l’environnement et l’Homme. Son intégration à Oniris, l’école vétérinaire nantaise, en 2017 marque un tournant vers l'étude de l'antibiorésistance dans les élevages aquacoles et les milieux aquatiques.
La France est le 4e producteur de pêche et d’aquaculture de l’Union européenne (source INSEE 2019). Si l’on considère seulement l’aquaculture, c’est 163,3 milliers de tonnes de poissons produites en 2016. Étant donné que le poisson représente un élément important de l'alimentation humaine, il devient d'autant plus crucial de garantir la fourniture de produits alimentaires sains et de haute qualité à la population. Cependant, au cours de la dernière décennie, des études ont mis en évidence l'émergence de bactéries devenues résistantes aux antibiotiques, lesquelles se propagent dans l'environnement. « L’antibiorésistance est maintenant très répandue dans l’environnement et sur toute la planète » En France, le plan Eco-Antibio a démontré son efficacité en diminuant l’utilisation des antibiotiques et le taux d’antibiorésistance chez certaines espèces bactériennes. Cependant, les actions mises en place n’ont pas complètement éliminé la présence de certains gènes d’antibiorésistance, qui peuvent perdurer dans l’environnement : le sol, l’eau, etc. Or, l'eau constitue une ressource indispensable à de nombreuses activités, telles que l'aquaculture ou l'agriculture. « Tous les utilisateurs de l’environnement peuvent être exposés à ces bactéries » Bien que toutes les bactéries ne soient pas nécessairement nocives ou pathogènes pour les humains, leur diffusion peut avoir des conséquences sur la santé environnementale et animale. Ainsi, l'analyse approfondie des environnements permettra aux scientifiques de comprendre comment cette antibiorésistance se transmet aux humains, aux animaux et à l’environnement.
Nora travaille donc sur une étude visant à analyser l'eau de quatre élevages de poissons situés en Pays de la Loire, en Bretagne et en Normandie. Partant du postulat que les rivières sont polluées par des bactéries antibiorésistantes provenant des élevages terrestres (par ruissellement) et des humains (stations d’épuration), l'objectif de cette analyse est d'examiner, à partir d'échantillons d'eau, de sédiments et de biofilms prélevés dans les fermes aquacoles et les rivières, la qualité de l’eau et des élevages. À l’aide de prélèvements saisonniers et d’une enquête auprès des éleveurs, l'équipe de recherche sera en mesure d'évaluer les éventuelles variations saisonnières de la qualité de l'eau ainsi que les méthodes de traitement mises en œuvre dans ces exploitations. « Pour nous, le premier résultat important sera de dire si la qualité microbiologique de l’eau est bonne ou pas dans les élevages que nous avons analysés et les rivières où ils sont situés. » Les conclusions de l’étude serraient en mesure de conduire à des recommandations en matière de pratiques visant à garantir une meilleure qualité de l'eau, et par conséquent, à réduire les risques de pollution de l’eau des élevages par la présence de bactéries antibiorésistantes.
Bien que, actuellement, il n'existe pas de programme de surveillance spécifique pour les risques liés à l'antibiorésistance en aquaculture, à l'instar de l'élevage terrestre, ce projet de recherche pourrait constituer une base pour son éventuel développement. Dans la prolongation de cette étude, Nora envisage d'élargir son échantillon à l'échelle nationale, voire européenne. Ce projet initial vise non seulement à répondre à des questions primaires, mais également à formuler de nouvelles hypothèses qui orienteraient des projets de recherche futurs.
Sources :
Pêche - Aquaculture − Tableaux de l’économie française | Insee. (s. d.). https://www.insee.fr/fr/statis...