Antoine Goujon, ouvrir les possibilités en chimie organique

Publié par EchoSciences Pays de la Loire, le 23 janvier 2024   760

Qu’iels se consacrent à la biologie, à l’informatique, aux mathématiques ou à d’autres domaines, les chercheuses et chercheurs ligérien·ne·s contribuent activement à élargir les horizons de la recherche en Pays de la Loire. Nous sommes donc partis à leur rencontre aux quatre coins de la région pour rencontrer des scientifiques remarquables. À travers ces portraits imagés, vous découvrirez des chercheuses et chercheurs engagé·e·s et passionné·e·s.

Antoine Goujon exerce en tant qu'enseignant-chercheur en chimie au sein du laboratoire Moltech Anjou de l'Université d'Angers depuis 2019. Sa spécialité ? La chimie organique. Plus précisément, il se consacre à la conception de structures moléculaires contenant du carbone, élément fondamental en chimie organique. En collaboration avec l’équipe du laboratoire, ses recherches se concentrent particulièrement sur le design et la synthèse de matériaux semi-conducteurs organiques.

« Je suis allé assez naturellement vers la chimie à l’Université […] et je pense que c’était le bon pari. » Antoine Goujon obtient son doctorat à l’Université de Strasbourg. Partant d’un objectif fondamental, sa thèse portait sur l’amplification du mouvement de petites molécules, des objets nano ou subnanométriques, à l’échelle macroscopique. L'objectif central de cette recherche résidait dans la création de matériaux dans lesquels les mouvements moléculaires sont perceptibles. L'idée sous-jacente était de démontrer que ces mouvements moléculaires pouvaient être amplifiés et produire ainsi des effets concrets à notre échelle visible. Antoine poursuit en post-doctorat en Suisse, où il axe ses recherches sur des molécules dont l'activité optique évoluait en réaction au stress mécanique qu'elles subissaient. Son approche visait à exploiter les changements optiques induits par le stress mécanique pour obtenir des informations précieuses sur les conditions physiques des membranes cellulaires.

Finalement, de ses débuts dans la recherche à aujourd’hui, Antoine Goujon s’est toujours dirigé vers des thématiques similaires : la synthèse de matériaux organiques. La chimie organique, qu'il explore, se consacre principalement à l'étude des composés organiques fonctionnels contenant du carbone, partageant ainsi des structures moléculaires semblables à celles présentes dans les biomolécules et les plastiques. L'objectif central de cette démarche consiste à concevoir des matériaux aux applications variées, aussi bien dans la vie quotidienne que dans des domaines spécialisés.

« En tant que chimiste, ce qui est vraiment sympa, c'est qu’on peut dessiner la molécule sur le papier et on peut ensuite aller la fabriquer au laboratoire. […] On peut essayer de prédire ses propriétés, voir si elle a ce qu’on attend ou au contraire si on est plutôt surpris. C’est toujours assez excitant de se dire que les possibilités sont toujours plus ou moins infinies. »

L'activité du chimiste se révèle en fin de compte abondante de créativité. Elle englobe le design des molécules pour qu’elles soient élégantes en termes d’idées et de conception, ainsi que la détermination de leurs fonctions spécifiques, pour enfin procéder à leur synthèse en laboratoire. Les chimistes sont ouvert à un réservoir infini de possibilités, où chaque étape du processus mets en lumière la polyvalence et l'ingéniosité qui caractérisent cette discipline.

Au sein de Moltech Anjou, le travail de recherche d’Antoine Goujon se porte sur des matériaux dotés de propriétés optiques et électroniques spécifiques pour la conversion, le stockage d'énergie ou le transport d'électrons ou de charges. L'objectif constant est de tirer parti de molécules carbonées pour créer des matériaux fonctionnels. Autrement dit, ces matériaux sont conçus avec une finalité précise, potentiellement applicable à des domaines industriels ou à d'autres aspects fondamentaux de la recherche.

Lauréat du dispositif régional Étoiles Montantes, il a vu son projet Photofreeze obtenir une bourse du Conseil européen de la recherche (ERC) en 2023. Un financement qui s’étalera sur 5 années et qui va permettre de faire décoller des thématiques jusqu’alors en gestation dans l’équipe de recherche. L’objectif est d’essayer de développer des matériaux conjugués, des colorants qui peuvent soit absorber fortement de la lumière, soit émettre fortement de la lumière une fois qu’ils sont stimulés. Ces matériaux sont par ailleurs souvent utilisés comme semi-conducteurs* organiques.

Pourquoi s’intéresser aux semi-conducteurs organiques ?

Le choix des semi-conducteurs organiques découle d'une vision à long terme visant à remplacer ceux élaborés à partir de silicium. La production de ces composés représente un enjeu industriel et de souveraineté significatif. Les semi-conducteurs en silicium, utilisés en majorités, sont souvent fabriqués à l'autre bout de la planète, dans des conditions difficiles et leur production demande beaucoup d’énergie carbonée.

En Europe, on voit un réel besoin de développer un savoir-faire local dans la production de composés organiques pour répondre à l’enjeu environnemental. Les avantages des semi-conducteurs organiques résident dans leur capacité à être synthétisés dans n'importe quel laboratoire dans le monde. Ces composés organiques, bien connus au niveau moléculaire, peuvent être dissous dans des solvants, créant ainsi des encres utilisables sur diverses surfaces. Leur développement ouvre des perspectives par rapport aux semi-conducteurs conventionnels, élargissant considérablement le champ des possibilités.

Un photoréacteur utilisé pour transformer les molécules sous l’effet de la lumière. On voit la molécule de départ rentrer (en rose), pour être exposée à des LED blanches très puissantes. Elle est convertie en une autre molécule d’une couleur verte bleue.

L'objectif principal des recherches d’Antoine Goujon réside dans l'exploration de nouvelles structures moléculaires, avec un accent particulier sur une sous-catégorie rarement étudiée, les transporteurs d'électrons. Constatant un déficit de développement dans les matériaux qui transportent les charges négatives par rapport à ceux transportant les charges positives, l'équipe de Moltech Anjou cherche à remédier à cette disparité en élaborant des structures innovantes. Actuellement, la fabrication de ces matériaux nécessite l'assemblage complexe de fragments, souvent avec l'utilisation de métaux précieux, toxiques ou difficiles à mettre en œuvre, entravant ainsi la reproductibilité. « On essaie de simplifier le processus en allant vers des structures plus complexes paradoxalement » L'équipe cherche, en particulier, à appliquer une stratégie qualifiée « d'auto-assemblage », dans laquelle des petits fragments de géométries et fonctions bien définies vont venir spontanément s'assembler en matériaux plus complexes avec un minimum d'interventions extérieur. Dans un second temps, la lumière est utilisée pour "souder" tous les fragments ensembles.
En adoptant des approches plus simples et reproductibles, ils aspirent à améliorer la fabrication de ces matériaux, en éliminant la dépendance aux réactions complexes et aux matériaux difficiles d'accès, ouvrant ainsi la voie à des avancées significatives dans le domaine.

Des fragments de molécules (bleu/violet) sont « auto-assemblés » pour former une molécule à la géométrie et taille contrôlée (en rose). Cette dernière, instable, est « gelée » ou verrouillée par transformation sous l’effet de la lumière.
Glossaire :
Les semi-conducteurs sont des matériaux qui peuvent conduire l'électricité, mais pas aussi bien que les métaux. Ils se situent entre les conducteurs et les isolants en termes de conductivité. La capacité d'un semi-conducteur à conduire l'électricité peut être ajustée par des facteurs extérieurs tels que la température, des impuretés ou un champ électrique. Les exemples courants de semi-conducteurs incluent le silicium et le germanium, utilisés dans la fabrication de composants électroniques tels que les transistors et les microprocesseurs. Les semi-conducteurs sont importants, car ils permettent de réguler le flux de courant électrique dans les dispositifs électroniques.

Article écrit par Maéna Gérault pour EchoSciences Pays de la Loire